mercredi 22 décembre 2010

Pardon mademoiselle, on voit vos...

Ah, bande de petits coquins. C'est le jour du post spécial "cours de modèle vivant". Avec deux techniques à l'honneur.

Le dessin par la gomme

  • Prenez un feuille A4 ou A3, c'est bien suffisant.
  • Remplissez-la de couleur avec un ustensile friable, genre fusain ou pastel sec.
  • Trouvez-vous une gomme taillée, style mie de pain biseautée ou tendre pointue.
  • Dessinez avec, à partir des éclats lumineux jusqu'aux zones sombres.
  • Finissez en travaillant le fond.


Le papier kraft

... se travaille bien avec une sanguine, une pierre noire et une craie blanche.




Enfin, petit clin d'œil à Grotom : voilà ma réponse à ton exercice. J'ai peur d'avoir enfreint la consigne avec une approche trop figurative, mais je tenais à faire le pont entre nos cours...



Si ça c'est pas d'la poésie, je rends mon tablier.

Jeu !
Je vous propose, dans les commentaires, de dire "C'est très beau, ça me rappelle une ex !" dans la langue de votre choix. Évidemment, les langues inventées pour l'occasion sont autorisées.

Rappel !
Le Humble Indie Bundle a été amélioré, avec les jeux du premier bundle, dont World of Goo, si vous donnez plus que 7,38 $. C'est le moment !

mercredi 15 décembre 2010

Humble paquet indépendant

Grande nouvelle ! Le nouveau Humble Indie Bundle est sorti !



Acheter le Humble Indie Bundle #2 vous donne accès au téléchargement de 5 jeux indépendants. Le prix ? À vous de décider. Pour l'instant, les contributeurs ont donné entre 0 et 2000$.

L'argent collecté part, selon votre choix, à des associations ou aux développeurs (dans les proportions que vous voulez). Faites de l'humanitaire en jouant à la crème de la création indé ! Mais attention, il n'est dispo que jusque mardi 21 décembre !

Que contient ce bundle ?
  • L'un des meilleurs jeux de tous les temps : Braid
  • L'un des jeux les plus poétiques du monde : Machinarium
  • L'un des game concepts les plus réussis de ces 26 dernières années : Osmos
  • L'un des tower defense les mieux ficelés du système solaire : Revenge of the Titans
  • L'une des physiques les plus dures à maîtriser : Cortex Command
(Ok, c'est pas très vendeur pour le dernier. Il est super, mais vraiment chaud).

Le fait d'avoir Braid dans un tel paquet est assez extraordinaire pour être signalé. Son créateur, Jonathan Blow, est passé grâce à lui de développeur inconnu à nouveau pape de la scène indé. Ceux qui s'intéressent au game design liront avec intérêt une interview de JB par Gamasutra à propos de Braid (il y a presque deux ans), ou une interview récente où il parle de son nouveau projet.

Machinarium est aussi un très grand jeu, par les développeurs (tchèques) de Samorost. Si son aspect graphique est bluffant, il faut également souligner le travail des designers sonore, que ce soit sur la BO, l'ambiance ou les bruitages.

Si vous voulez tâter du *très* bon jeu pour pas cher, c'est l'occasion ! Même si vous ne donnez qu'un dollar, ça soutient la communauté indé, encourage l'initiative et donne des ordinateurs aux enfants pauvres. Il paraît même que ça soigne des bébé otaries et que ça annule dans les poumons toutes les cigarettes qu'on a fumées depuis le début de sa vie (à confirmer).

Et en exclusivité, je vous offre la garantie satisfait ou remboursé : si vous n'avez aimé aucun des jeux du bundle, je vous rembourse sur mes deniers personnels.



[Edit !] On trouve ici un petit tour du bundle en vidéo, et pas trop con en plus !

[Edit 2 !] Devant le succès de ce second bundle, le premier, avec notamment World of Goo, Penumbra Overture et Samorost 2 (du studio qui a fait Machinarium), est dispo en téléchargement gratuit (si vous avez déjà le second). Incroyable !


vendredi 10 décembre 2010

La naissance d'une pomme de terre

Et voilà le sujet qui a abouti à "Une Patate De Trop".

1 – Considérez, d’abord, les 10 images portraits et autoportraits dans « Choix de Portraits.ppt » en tant que situations et liez-les ensuite narrativement les unes aux autres dans l’ordre que vous voudrez.
2 – Supprimez ensuite de votre narration les passages qui vous semblent négligeables et ne gardez que les énoncés qui vous paraissent indispensables à la compréhension de votre narration.
3 – Supprimez enfin de votre version finale tout ce qui est superflu afin d’obtenir une concision maximale.


Il serait intéressant, ensuite, de rythmer et de dynamiser votre version finale de la narration aux travers de différentes manières de montrer :

4 - En introduisant dans le récit d’autres situations (faits, actions, événements) qui, bien qu’elles ne se soient pas déroulées, auraient pu survenir ou que vous auriez aimé voir se produire. 
5 - En choisissant différents points de vue et différentes échelles de grandeur.











Petite précision : l'ordre des images peut être modifié.

Jeu  ! 
  • (facile) J'apparais dans une des photos ci-dessus. Sauras-tu me retrouver ?
  • (moyen)  Reconstitue l'ordre des photos utilisé dans "Une Patate De Trop". 
  • (difficile) Toi aussi, écris une histoire avec ces dix photos !
  • (apocalypse) Répond à l'autre sujet donné par ce prof : "Comment considérer la problématique de la narration, dans le jeu".

Comme précisé précédemment, je bosse beaucoup sur un nouveau projet. Comme vous êtes sages, voilà en exclu mondiale un énigmatique bout d'artwork dessiné par un de nos deux graph'. Je vous laisse imaginer le reste du jeu...



lundi 6 décembre 2010

Une carotte et un verre de vin

Hey ! C'est la Saint Nicolas !
Tous les enfants sages auront un cadeau et les autres vont devoir s'expliquer avec le père fouettard, que je connais personnellement.
Pour vous remercier tous de votre contribution à ce blog cette année, et pour résister à l'impérialisme de noël (oui, oui, impérialisme), je vous offre une petite friandise vidéoludique.


Celle-ci contient, outre la correction de quelques bugs, un nouveau mode inspiré de la série "Sin an Punishment". C'est TetrinAndPunishment !

Les nouveautés ?
  • Vous ne pouvez plus utiliser de rotations ! Damn it !
  • Grâce à votre laser de la mort qui marche même sous l'eau, vous pouvez shooter les pièces qui tombent avant qu'elles n'atteignent le sol...
  • ... Mais plus vous tirez, plus le jeu accélère... Damn it again !

Quel épatant Game Design, à croire que le mec qui a fait ça suit des cours. Pour les gamers, je lance un concours de scores sur le même mode que précédemment.
Vous pouvez continuer à voter pour Une Patate De Trop ; la réponse au jeu (i.e. "quel était le sujet") sera dispo dans le courant de la semaine prochaine, sauf si tout le monde s'en fiche.

Joyeuse Saint Nicolas !

jeudi 2 décembre 2010

Retour au collège

Le vote est sans appel, vous avez plébiscité "Une patate de trop" !
Merci à ceux qui ont voté pour les dessins et les gribouillages. Ils arriveront plus tard. Ou pas. Aujourd'hui ce sera donc... rédaction ! Hé oui, bande de coquins, comme au collège ! C'est une petite histoire sur laquelle j'ai travaillé dans le cadre d'un exercice de narration (ceux qui râlent, j'ai envie de dire, c'est bien fait. Y'avait le thème "femmes à poil" juste au dessus).

À ce propos, on va jouer à jeopardy ! Répondez correctement aux trois questions suivantes et vous aurez un gâteau (c'est un mensonge !) :
  1. Quel était l'énoncé qui a abouti à ça ? 
  2. Il manque un élément qui m'a été transmis par le prof mais qui est absent ici : lequel est-ce ?
  3. Il y a une allusion débile à un jeu vidéo dans l'énoncé de ce concours. Où et quoi ?

Mention spéciale à celui qui trouve le troisième point. Les réponses seront données en images  la semaine prochaine ! Je mets aussi en ligne un sondage pour savoir quelle version vous préférez. C'est pas si long : tout lire devrait vous prendre entre cinq et dix minutes selon si vous êtes forts ou pas.

Pour ceux qui espèrent encore trouver des jeux ici... C'est pour dans longtemps ! Après l'abandon d'un projet en flash dont je ne vous ai même pas parlé, j'ai eu mon premier sujet de l'école. Donc si je veux mon master, il me faudra bien pondre quelque chose d'ici le 17 janvier. Enfin, je dis "me", mais en fait on sera 9 sur le truc (deux game designers, deux graphistes, deux programmeurs, un ingé son, un ergonome et même une chef de projet). Techno imposée : Game Maker. Youhou...

Et maintenant, mesdemoiselles, "Une Patate de Trop".





Une patate de trop - 1

Je m’en sais capable. La grâce divine, j’y crois. La chance, je la tente. Je me revoie encore avec mes huit soeurs poser pour la photo à noël. Toute la famille est là : le jambon, les raisins secs. Même les cornichons sont présents, et tout le pot. À l’époque on me croyait folle. Je le suis peut-être. Ça m’empêche pas de rêver. Le fait est que tous se sont faits boulottés ce jour là et pas moi. Rien que pour ça, ça valait le coup d’être dérangée.

Tout a commencé le soir où j’ai rencontré cette fille aux cheveux rouges. Non, en fait, ça a vraiment commencé quelques jours avant, avec les quatre zigotos et leurs machines à penser. Un pauvre bourgeon dans un champ de patates, voilà ce que j’étais à l’époque. On devait être quelques dizaines de milliers dans mon cas. « Tu vois, la Russie, c’est là » qu’y disait l’un. « Non, non, ça c’est l’Angleterre », qu’y lui répondait, l’autre. « On s’ra jamais prêts ! On aura des piteuses ! Mais tais-toi donc, tu vois pas que j’me concentre ! » Et ça s’engueulait pour des broutilles comme ça des heures et des heures. Le bac, vous pensez bien que je savais pas vraiment ce que ça voulait dire à l’époque. Et puis d’un coup, on nous a sorties de terre, on nous a mises dans des sacs et les sacs dans un train et on nous a vendues sur un marché, dans une ville qui nous était de toute façon aussi inconnue que le patelin du paysan qui nous avait accouchées. J’aimerais vous dire que ça a été un jour merveilleux ou terrible, mais je dois reconnaître que je m’en souviens à peine. C’était l’ordre des choses, voilà tout.

C’est pas la fille aux cheveux rouges qui nous a achetées le lendemain, mes soeurs et moi, mais son mari, un type étrange avec de grands yeux verts, le front dégarni malgré deux touffes improbables de chaque côté du crâne et une pilosité faciale pour le moins étrange, comme trouée au milieu de la joue. Jusque là, j’avais vu surtout des femmes au marché. Le vendeur a pris un air inspiré, a fait tout un tas de calculs incroyables et a dressé le total, payé rubis sur l’ongle dans la minute. Quand je suis arrivée chez eux, la maison était coquette, propre, simple. La cervelle d’un chat idiot était tenue en échec par quelques bulles de savon malicieusement envoyées en l’air par madame, confortablement installée dans le canapé, à se ficher de la tête de l’animal. « Je vais préparer le repas pour ce midi ma chérie ! » C’est cette phrase qui a tout déclenché dans ma tête de patate. Je voulais – non : il me fallait – un mari pour aller au marché et me faire mes repas du midi. Et pour ça, il était clair que je devais passer mon bac d’abord. Une fois le diplôme en poche, j’aurai tout le loisir de me dégotter l’homme idéal.

La fille aux cheveux rouges a dû comprendre que j’étais différente. Après avoir pris la photo, elle a dit à son homme « Celle-là, laisse-la moi ». Il a pas trop compris, mais il n’a rien dit et mes soeurs et tout le petit monde bien posé là est parti en cuisine se faire beau et bien cuit pour le massacre dominical. La fille s’est mise à me parler. De celle qui lui parle ou de la patate qui répond, qui est la plus folle ? J’imagine qu’avec le bac en poche, on est suffisamment respecté pour avoir ce genre de comportement.

« T’es différente des autres, je le vois bien.
_ Toi aussi. T’as le bac et les cheveux rouges.
_ Comment tu sais que j’ai mon bac ?
_ T’as un mari, et c’est lui qui fait le sale boulot.
_ Tout juste ma p’tite. Ça te dirait d’en avoir un aussi à toi de mari ? Un qui fait ton travail à ta place ? Répond pas, je vois bien. Je connais un type littéralement à l’écoute de la nature qui ferait l’affaire. Mais avant, on va parler de Platon. »



Une patate de trop - 2

D’un coup, on nous a sorties de terre, on nous a mises dans des sacs et les sacs dans un train et on nous a vendues sur un marché, dans une ville qui nous était de toute façon aussi inconnue que le patelin du paysan qui nous avait accouchées.

C’est pas la fille aux cheveux rouges qui nous a achetées le lendemain, mes soeurs et moi, mais son mari. Jusque là, j’avais vu surtout des femmes au marché. Quand je suis arrivée chez eux, la maison était coquette, propre, simple. « Je vais préparer le repas pour ce midi ma chérie ! » C’est cette phrase qui a tout déclenché dans ma tête de patate. Je voulais – non : il me fallait – un mari pour aller au marché et me faire mes repas du midi. Et pour ça, il était clair que je devais passer mon bac d’abord. Une fois le diplôme en poche, j’aurai tout le loisir de me dégotter l’homme idéal.

La fille aux cheveux rouges a dû comprendre que j’étais différente. Elle a dit à son homme « Celle-là, laisse-la moi ». La fille s’est mise à me parler.
« T’es différente des autres, je le vois bien.
_ Toi aussi. T’as le bac et les cheveux rouges.
_ Comment tu sais que j’ai mon bac ?
_ T’as un mari, et c’est lui qui fait le sale boulot.
_ Tout juste ma p’tite. Ça te dirait d’en avoir un aussi à toi de mari ? Un qui fait ton travail à ta place ? Répond pas, je vois bien. Je connais un type littéralement à l’écoute de la nature qui ferait l’affaire. Mais avant, on va parler de Platon. »



Une patate de trop - 3

On nous a sorties de terre, on nous a mises dans des sacs.
C’est pas la fille aux cheveux rouges qui nous a achetées mais son mari. Quand je suis arrivée chez eux, la maison était propre. « Je vais préparer le repas pour ce midi ma chérie ! » C’est cette phrase qui a tout déclenché dans ma tête de patate. Il me fallait un mari pour aller au marché et me faire mes repas du midi. Et pour ça, je devais passer mon bac d’abord. La fille aux cheveux rouges a dit « Celle-là, laisse-la moi ».
« T’es différente des autres.
_ Toi aussi. T’as un mari, et c’est lui qui fait le sale boulot.
_ Tout juste. Ça te dirait d’en avoir un aussi ? Je connais un type. Mais avant, on va parler de Platon. »



Une patate de trop - 4

On nous a sorties de terre, on nous a mises dans des sacs.
C’est pas la fille aux cheveux rouges qui nous a achetées mais son mari. Quand je suis arrivée chez eux, la maison était propre. « Je vais préparer le repas pour ce midi ma chérie ! » C’est cette phrase qui a tout déclenché dans ma tête de patate. Il me fallait un mari pour aller au marché et me faire mes repas du midi. Et pour ça, je devais passer mon bac d’abord. La fille aux cheveux rouges a dit « Celle-là, laisse-la moi ».
« T’es différente des autres.
_ Toi aussi. T’as un mari, et c’est lui qui fait le sale boulot.
_ Tout juste. Ça te dirait d’en avoir un aussi ? Je connais un type. Mais avant, on va parler de Platon.»

On était en décembre quand on a commencé tout ça. Les six mois qui me séparaient de l’examen n’ont pas été de trop, mais finalement l’écrit est passé de justesse. C’est le jour de l’oral, quand j’ai compris que c’était devenu impossible – j’étais déjà vieille, et il n’était pas question de le repasser l’an prochain – que j’ai rencontré Maurice, un Doryphore recalé en Anglais. En nous voyant à deux, la jeune fille aux cheveux rouges à vite compris qu’elle devait partir. J’ai regardé Maurice, il m’a sourit et a commencé à me manger. Il aura fini dans quelques heures ; ça m’aura au moins laissé le temps de vous raconter ma vie. Je crois que je meurs heureuse.



Une patate de trop – 5

La récolte des hâtives s’était déroulée sans accroc. Marcel avait pris l’habitude de ressentir cette drôle d’impression en décembre – comme si certaines pommes de terre parlaient. On nous a sorties de terre, on nous a mises dans des sacs, voilà ce qu’elles semblaient dire. Il était rassuré quand il voyait partir le camion vers la gare de fret : d’accord, c’était la fin d’un boulot plutôt pénible, mais surtout il se rappelait à chaque fois les mots de son grand-père, qui soi-disant les tenait lui-même du sien ; « Ça éloigne les mauvais esprits qui voudraient se venger du traitement qu’on leur a fait subir ». On a beau savoir que tous ces contes pour enfants sont faux, on ne peut pas s’empêcher d’y penser le soir après une récolte où le légume n’a pas été ménagé. Un peu plus loin dans le champ encore tout retourné, Albert son petit fils et ses trois amis révisaient pour le bac.

Ce n’est pas Cathy, la fille aux cheveux rouges, qui a acheté le sac, mais son mari. Le repas devait être prêt à treize heures. Pour les invités, vous comprenez ? Cette année, ce sera un buffet, avec pommes de terre au four et charcuterie. Pas d’argent donc pas de chichis. Comme d’habitude, Cathy était tranquillement installée dans le canapé, en train de jouer avec le chat. Son mari lui a souri et annoncé qu’il allait préparer le repas. Un homme qui fait à manger pendant que sa femme joue, ça n’était pas vraiment inédit, même ici, mais on sentait dans le ménage que le contrat social ne précisait nulle part l’égalité au sein du couple.

Un regard. Pas un coup de foudre, mais une étincelle. Le fil magique qui lie deux soeurs s’était créé là, tout seul, comme d’un rien et sans raison apparente, entre Cathy et la neuvième pomme de terre. Un peu gênées, elles observent. Spectatrices ? Actrices de ce moment ? Quand on s’est reconnu, peut-on s’aborder ? Quand le charme nous cueille, doit-on faner dans la réalité ? « Celle-là, laisse-la moi. » De mémoire de pomme de terre, on n’avait jamais entendu ça. La grande patate cosmique s’est retournée dans les limbes, curieuse ou furieuse sans doute. Ma petite, tu t’apprêtes à parler à un légume, hé bien vas-y.

« T’es différente des autres.
_ Toi aussi. T’as un mari, et c’est lui qui fait le sale boulot.
_ Tout juste. »
Il fallait aller plus loin. Dans l’oeil de Cathy suintait comme une liqueur d’inédit. C’était beau et dégueulasse à la fois.
« Ça te dirait d’en avoir un aussi ? »

Croyez-moi si vous voulez, mais le féculent a pris un air pensif – plus exactement ses traits semblaient marquer une profonde réflexion. Pas le temps pour ça, Cathy, tu dois emballer la machine.
« Je connais un type. » Voilà. C’était dit. La pomme de terre n’avait pas vraiment acquiescé, mais on sentait que tout était plié. Il restait un détail. Le détail du bac. Le bonhomme dans la cuisine était du genre pas malin. La veille de leur mariage, Cathy lui avait annoncé qu’elle avait trouvé un emploi grâce à son bac. Ils avaient conclus qu’il s’occuperait des tâches ménagères. Ça ne l’embêtait pas plus que ça. Rapidement, la situation était devenue caricaturale, Cathy posant les pieds sous la tables dès son retour du travail à dix-neuf heures. Elle exigeait de lui tout un tas de services, des plus idiots aux moins avouables en passant par les franchement rébarbatifs. Dans sa tête, il n’y avait pas quarante solutions pour être heureuse : il fallait le bac et un mari crétin ; elle voulait le bonheur de sa nouvelle amie, alors elles ont commencé à parler de Platon et d’arithmétique, de reproduction sexuée, de la guerre d’Algérie – non, de la seconde guerre mondiale plutôt – et de langues étrangères.

C’est à l’oral que le lien s’est rompu. La pomme de terre s’était plutôt bien débrouillée à l’écrit. Mais on était en juin : on perd de sa fraîcheur en six mois. Cathy n’y croyait plus vraiment, et pas question de repasser ça l’an prochain. Un mouvement. Comme la cuiller s’écarte d’un pot de yaourt vide, elle a tourné le dos à son amie. Un doryphore passait par là.